Arrivés dans la clarière, on y fait d'étranges rencontres.

L'homme de grande taille qui avait emmené Anastasie venait de s'arrêter au centre d'une grande clarière circulaire. Il fixait maintenant les arbres, avec l'air d'en chercher un en particulier, comme un gosse hésitant entre les bonbons qu'il va acheter dans une boulangerie. Ana en profita pour le détailler du regard: il avait les cheveux longs et noirs, portait une armure rougeâtre et avait un bandeau sur l'oeil droit. Soudain, il se tourna vers elle:

<<Bien, j'ai trouvé la porte, allons-y., déclara l'homme d'une voix autoritaire.
-Mais...Ou ça? Puis, reprenant soudain ses esprits,: Je veux dire, d'abord, qui êtes-vous, pourquoi vous m'avez parlé d'un dénommé Oraculum tout à l'heure, et pourquoi diable m'avez vous emmenée ici??... (Ana recconnut par la suite que cet enchainement de questions ressemblait à ceux que disent les cruches prises au dépourvu dans les mauvais films).
L'homme soupira puis s'assit à même le sol.
-Soit. Etant donné que tu es une future reine, je ferais preuve de patience, même si a mes yeux tu restes une gamine. Ecoute-moi bien: je ne suis ici uniquement dans le but de purger ma peine. Après m'avoir accusé d'avoir volé les tartes d'Iracebeth...
-Qui est Iracebeth? L'esprit devenu curieux d'Anastasie reprit le dessus.
-... Iracebeth est la reine de Coeur d'Underland. *il lève un doigt pour empêcher Ana de lui poser une autre question*. Après m'avoir jugé, donc, on m'a envoyé dans ce monde pour aller chercher la future reine de Carreau, toi, donc.
Ana resta bouche bée pendant un moment. Il y a quelques heures à peine, elle était en train de rêvasser dans son boudoir, et voilà que maintenant elle pouvait toucher des doigts ce monde différent dont elle rêvait tant!

<<C'est d'accord. Ana avait dit ça sans même y réfléchir. L'homme releva la tête.
-Comment? (A son tour de poser des questions idiotes, pensa Ana).
-J'ai dit que c'était d'accord. Je pars pour votre Pays. Je ne sais pas qui vous êtes, pourquoi le choix d'une nouvelle reine est tombé sur moi, mais désormais je n'ai plus rien à faire ici. J'ai laissé partir la seule personne qui comptait vraiment à mes yeux... Désormais, je suis promise à une vie aussi ennuyeuse que celle que mène mes parents, ou alors je décide de vous suivre. Je crois que le choix est vite fait.
L'homme fixa, ébahi, la jeune fille un instant, comme si on venait de lui faire comprendre que le père Noël n'existait pas. Il se releva soudain.
-Parfait! Bien, maintenant que ton choix et fait, partons sans plus attendre. Au moment ou j'aurais accompli mon devoir, je serais enfin gracié, donc tâche de ne pas mourir avant que je n'atteigne mon but.
-Ravie de voir que je ne suis qu'un outil...
-Tout le plaisir est pour moi.
Le valet prit Ana par le bras et se dirigea vers un abre creux, quand soudain...

Anastasie resta clouée sur place. Ce rouge... Elle n'en avait jamais vu de semblable dans son monde pétri de banalité, ou l'originalité était bannie. Mais pourtant, ce monde lui parut soudain très lointain. Son esprit la guida vers des souvenirs encore plus lointains, avant même sa naissance, et encore avant... Un flot de mémoire ancienne, couverte d'un voile poussiéreux, se souleva légèrement. Quelques images se mélangèrent dans l'esprit d'Ana, des images vieilles mais pourtant si proches d'elle. Ce rouge. Du sang. Une mare de sang grandissant autour d'elle, colorant les fleurs de cerisier auparavant si blanches. Une tête dans un fleuve... Puis une seconde... Puis des centaines...

<<...Stasie... Anastasie!>>

Anastasie se rendit compte qu'elle gisait sur le sol humide tapissé de feuilles mortes. Elle ouvrit les yeux et vit un instant un visage inquiet au-dessus du sien. Elle se releva brusquement, bousculant le valet.

<<Je...Qu'est-ce qui s'est passé?
-Aucune idée! Répondit-il en s'époussetant. Tu as vu cet hurluberlu *désignant le Chat d'Octancia* et tu t'es évanouie. Si une future reine s'évanouit si facilement...
-... La future reine... Bon sang!! Ana venait de se souvenir des paroles du Chat - qu'elle évitait soigneusement de regarder - avant qu'elle ne s'évanouisse. Furieuse, elle se tourna vers l'homme chargé de l'amener au Pays des merveilles:
-Vous m'aviez dit qu'il fallait une nouvelle reine! J'ai accepté car je pensais qu'il fallait bien quelqu'un pour prendre cette place, car elle avait disparu ou je ne sais quoi... Mais là, vous me demandez d'usurper son trône!! Si je pouvais la tuer à votre place, ça serait encore mieux, n'est-ce pas?
-Garde ton calme! Je suis juste là parce qu'on m'a demandé de te chercher! Les sales affaires ne me regardent pas! Par contre... *Le valet jeta un regard glacé de fureur au Chat.* Celui-là n'est pas blanc comme neige dans cette histoire. Tu peux lui demander des explications, je suppose!

Anastasie regarda le Chat en face - ses visions troublantes ne revinrent pas -. Elle en profita donc pour le questionner de manière assez Hollywoodienne:

<<Nous? Qui ça, plus précisemment? Qui êtes-vous, au juste? Et surtout, pourquoi ce choix de reine est tombé sur moi? Je n'ai à voir avec vos histoires, en fait. Votre Reine ne vous plait pas? Mettez en place une démocratie. >>

Voyant que le Chat et le Valet ne connaissaient pas ce dernier mot, Ana ne prit même pas la peine de leur expliquer. Elle continua sur sa lancée:

<<Donc. Vous voulez changer de Reine. Soit. C'est votre droit. Mettons que je dise oui. Mettons qu'en réalité, je m'avère être une piteuse reine. Que ferez-vous? Vous irez en chercher une autre au Loto des futures principautés?

Mais en disant ça, Ana sentait quelque chose en elle penser le contraire. Elle pouvait être reine. Elle l'avait dans le sang. Dans son passé. Mais non! Pourquoi penser une telle chose? Elle n'avait tout de même pas été reine dans une autre vie!
Le Chat, comme lisant dans ces pensées, cessa de marmonner et lui répondit à l'affirmative:

<< Mais si, ma petite! Tu ne t'en souviens pas?>>

Troublée par tout ce qui venait de se dire, Anastasie mit un peu de temps à retrouver ses esprits. Soudain, comme si une force puissante et autoriataire s'était emparée d'elle, elle déclara d'une voix qu'elle ne se connaissait pas:

<< Bien. Emmmenez-moi voir cette Reine de Carreaux. J'ai un trône à récuperer.
Ce disant, Ana se figea. Pourquoi avait-elle dit ça? Pendant une seconde, elle s'était crue comme... possédée. Aussitôt, elle se reprit:
- Ah... Excusez-moi... Je... J'ignore ce qui m'a pris...
Puis soudain, elle devina quelle force l'avait remplie pendant quelques instants.
Mon passé de Reine... souffla-t-elle.>>

Pourtant, le Valet de Coeur, comme hypnothisé, n'osa pas contester son ordre.

<< Ah... Eh bien, soit.. Majesté. Nous vous emmenons chez vous. >>